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21 février 2009 6 21 /02 /février /2009 11:38

Amalia Rodrigues (1920-1999) - Solidão (Cancão do Mar)


La catégorie
chansons d'exception était au départ destinée à parler de chansons du moment que je trouvais au-dessus du lot (de BRMC, Stuck in the Sound, QOTSA...) mais j'ai finalement préféré parler de chansons vraiment "exceptionnelles", des chansons que j'adore (Song to the Siren de Tim Buckley, Day is Done de Nick Drake, This is Not a Love Song de P.I.L et... Solidão).

Une chanson qui me permet aussi de mieux illustrer l'article précédent,
Musiques du peuple et musiques populaires...

Ma première rencontre avec cette chanson a été assez traumatisante. Un soir de désoeuvrement, il y a de nombreuses années, je zappe et tombe sur Hélène Ségara qui la chante... normalement, la simple vue d'Hélène Ségara me fait changer de chaîne illico... mais là, je reste un peu plus... et, à mon grand étonnement (et écoeurement, surtout), la mélodie me plaît, me touche... je suis tiraillé entre d'un côté le plaisir ressenti à l'écoute de cette mélodie, de l'autre, le dégoût pour l'orchestration, l'interprétation et, surtout, de me retrouver à apprécier une mélodie d'Hélène Ségara. C'était tout mon univers et ce en quoi je croyais qui s'écroulait (rien que ça...) et, bien sûr, dans ces émissions varièt', personne ne dit que ce morceau n'est pas d'elle (enfin, de ses auteurs...)
Heureusement, je découvrirai plus tard que cette chanson est un air de fado (musique populaire portugaise), Cancão do Mar (chanson de la mer), que la grande Amalia Rodrigues a repris avec un texte différent : Solidão.

Du coup, au lieu de voir mon "monde" s'écrouler, il se consolide... car cette petite expérience prouve bien que lorsqu'on est un passionné de musique un minimum exigeant, on n'est pas - contrairement à ce que certains pensent - un mouton "snob" qui apprécie juste une musique en fonction de  l'avis de quelques critiques, qui aime ce qu'on lui dit d'aimer... on a des oreilles, du goût, et même quand Ségara reprend une véritable belle chanson, on est capable d'entendre le joyau qui se cache sous des couches de guimauve...

Pour entendre la différence entre ces deux versions (ainsi qu'une troisième dont je parlerai un peu après) :





Qu'est-ce qui distingue ces deux versions, pourquoi celle de Ségara est-elle lamentable ? Pas la peine de l'expliquer pour des gens qui ont un minimum de bon goût... mais je pense à ceux qui pourraient tomber ici par hasard en faisant une recherche sur "Hélène Ségara", qui imagineraient que ma détestation de cette chanteuse n'est qu'un parti-pris... non, il y a des raisons "objectives" qui font que l'on ne supporte pas la variété, et ce, sur tous les points...

1. L'orchestration. La version de Ségara commence par un rythme orientalisant, du synthé et des sons électro, puis on sort les violons... avec une guitare flamenco un peu plus tard... bref, on est en plein dans de la "bouillie world music" surproduite, où l'on mélange tout et n'importe quoi. Chez Amalia Rodrigues, rien de tape à l'oeil, il y a une véritable "couleur locale", avec les instruments typiques du fado... mais chez Ségara, on est dans l'exotisme de pacotille. D'un côté, la musique d'un peuple, de l'autre, la musique trafiquée, artificielle, qui bouffe à tous les râteliers... la musique de l'industrie.

2. Le rythme. Une rythmique de slow lourdingue chez Ségara, alors qu'il y a une vraie légèreté chez Amalia... on peut se mouvoir avec grâce et subtilité sur la version d'Amalia, pas sur celle de Ségara où tout est trop appuyé. D'un côté, un chat, de l'autre, un hippopotame.

3. Le chant. La différence est considérable entre l'interprétation, fluide et subtile d'Amalia ;  et celle surlignée, démonstrative et mielleuse de Ségara. Le meilleur exemple est sur les points "culminants" de la chanson... il y a chaque fois une montée, qui amène à ce point où les instruments restent en suspension et laissent la chanteuse seule faire la descente. A ces moments, écoutez la finesse d'Amalia, qui fait cette descente tout en douceur, avec du tact et du "swing"... bref, une vraie musicalité. De l'autre, Ségara qui appuie bêtement et simplement chaque mot. Les mots coulent dans la bouche d'Amalia, ils sont "récités" chez Ségara. 

Autre grande différence, le vibrato et les petites ornemantations (les "broderies", à la voix, où l'on tourne autour d'une note)... qui semblent si naturels dans la voix d'Amalia, alors qu'on a chez Ségara des notes beaucoup plus plates, et des ornementations plus ou moins orientalisantes assez décalées sur ce titre (mais bien dans l'esprit de cette "bouillie world music").
Le chant de Ségara réussit l'exploit (!) d'être à la fois "plat" dans la manière de poser les notes, et terriblement maniéré, affecté, mièvre. Comme l'annonçaient les violons balourds du début, elle est là pour tirer les larmes et n'hésite pas à sortir l'artillerie lourde pour y arriver. Mais quand on a ne serait-ce qu'un peu d'exigence, on pleure, en effet, chez Ségara, quand on entend le massacre qu'elle fait de cette magnifique chanson, alors qu'on pleure d'émotion face à l'interprétation si touchante et digne d'Amalia.

Pire encore... Ségara ne s'est même pas foulée pour retravailler le morceau, elle a repiqué l'orchestration de Dulce Pontes (la 3° version dans le lecteur ci-dessus)... à laquelle on peut donc appliquer les mêmes critiques qu'à Ségara.

Pour écouter et réécouter en boucle cette sublime chanson et vous éviter de passer à la version de Ségara :

Amalia Rodrigues - Solidão





Et si vous désirez la jouer... les paroles et la grille d'accords :

Paroles de Solidão : David Mourao Ferreira 

Solidão de quem tremeu
A tentação do céu
E desencanto, eis o que o céu me deu
Serei bem eu
Sob este véu de pranto
Sem saber se choro algum pecado
A tremer, imploro o céu fechado
Triste amor, o amor de alguém
Quando outro amor se tem
Abandonado, e não me abandonei
Por mim, ninguém
Já se detém na estrada


Cancão do Mar : Frederico de Brito, Ferrer Trindade

Accords :


Intro

4/4   I   Dm    I   C/E    I   Gm    I    A    I

Chant

I Bb  -  A  I  Gm (A) -  Dm  I  Gm - A  I   Dm      I  (x2)

I C            I  C   -     F         I  E            I   E  - A  I 
   

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17 décembre 2008 3 17 /12 /décembre /2008 22:33
Je ne pouvais laisser la tête de l'autre continuer à squatter le haut de mon blog toute la nuit... mais n'ayant pu terminer à temps l'article que je comptais poster, il m'a fallu une solution de rechange. Pas du second choix, non, puisque cette chanson est tout simplement une des plus belles et des plus émouvantes que je connaisse. Et quand je dis "une des", ce n'est pas "une des 1000", "une des 100", ni même "une des 10", mais "une des 3".

Dernièrement, un visiteur me disait (sous l'article le hard 80's) qu'il n'était pas d'accord avec ce que je racontais sur les ballades du hard... voilà justement pourquoi je déteste les ballades metal, les "power-ballads" et la plupart des ballades rock "mainstream" ; quand on a entendu ce Day is Done, on ne peut que les trouver terriblement pataudes, puériles et racoleuses à côté.

Dans le même ordre d'idées, j'ai souvent tapé sur les groupes et les genres (prog, metal) piquant maladroitement des éléments classiques, mais, dans l'absolu, je n'ai rien contre l'intégration d'éléments classiques dans les chansons... quand c'est fait avec la musicalité, la finesse et la subtilité de Nick Drake, c'est magnifique... rien à voir avec l'esbrouffe et le pompier de crétins virtuoses qui se disent "j'aime ce machin classique, je peux le jouer, donc je vais le balancer dans une chanson".   

Nick Drake n'envoie pas les violons pour tirer les larmes à peu de frais, rien n'est surjoué, tout est fait avec intelligence et délicatesse... et l'émotion n'en est pas moins forte....


Nick Drake - Day is Done (Five Leaves left, 1969)





When the day is done
Down to earth then sinks the sun
Along with everything that was lost and won
When the day is done.

When the day is done
Hope so much your race will be all run
Then you find you jumped the gun
Have to go back where you begun
When the day is done.

When the night is cold
Some get by but some get old
Just to show life's not made of gold
When the night is cold.

When the bird has flown
Got no-one to call your own
Got no place to call your home
When the bird has flown.

When the game's been fought
Newspapers blow across the court
Lost matches sooner than you would have thought
Now the game's been fought.

When the part is through
Seems so very sad for you
Didn't do the things you meant to do
Now there's no time to start anew
Now the part is through.

When the day is done
Down to earth then sinks the sun
Along with everything that was lost and won
When the day is done.

Five Leaves Left en écoute sur Jiwa

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24 novembre 2008 1 24 /11 /novembre /2008 18:18

1989. J'ai 16 ans. L'âge de la révolte. Mais pas grand chose dans le rock français qui puisse l'exprimer. Indochine et Téléphone ? J'ai toujours détesté ces deux groupes rock variétoches habitués des top 50... La Mano Negra et les Negresses Vertes ? Pas pour moi, trop festif, pébiscité par mes camarades de classe, je n'y trouve pas la gravité et la rebellion que je recherche. Trust me plait déjà un peu plus (certains textes sont vraiment très virulents), mais ça reste lourdingue. Les Béruriers Noirs, j'aime bien, je lis leurs paroles avec jubilation... mais le côté très punk-crado-minimaliste, ce n'était pas non plus mon truc. Un soir, en écoutant la radio, je tombe sur Les écorchés de Noir Désir... et là, c'est une vraie grande claque (certains me diront : ah, ça, pour les claques, Cantat...) Comme tout le monde, je connaissais d'eux Aux sombres héros de la Mer, tube multi-diffusé... une chanson que je trouvais pas mal, sans plus. Les écorchés, c'est autre chose... enfin du rock français digne et sauvage, lyrique et rageur. Enfin, dans le pays de Baudelaire, Rimbaud et Lautréamont (cité justement dans les écorchés), du rock rebelle qui a intégré la noirceur romantique et prend un peu de hauteur. Ce qui le distingue nettement de toute la scène alternative de l'époque qui n'aime rien tant que se vautrer dans la crasse, cette scène dont la musique pue le tabac froid, les gitanes maïs et la bière bon marché. Enfin un groupe de rock français avec un nom qui a de la gueule et un chanteur, aussi... enfin une voix incantatoire idéale pour exprimer les frustrations et aspirations de la jeunesse.

Pourtant, je n'ai jamais été un grand "fan" de Noir Désir. Jamais suivi leur carrière avec attention, et, contrairement à une bonne partie de ma génération et de la génération suivante, je n'ai jamais pris Cantat pour un "modèle". Je reconnaissais néanmoins une immense qualité à Noir Désir : celle de prouver que le rock français pouvait être respectable, et pas totalement ridicule face aux anglo-saxons. Noir Désir, ce sont des rencontres, des morceaux découverts chaque fois un peu au hasard... l'excellent En route pour la Joie, qui, après les Ecorchés, rappelle Noir Désir à mon bon souvenir... Tostaky, enfin un tube rock français qu'on prend plaisir à entendre quand on allume la radio ou qu'on traîne dans les bars et les pubs, l'excellent duo de Cantat avec Bashung sur Volontaire, la collaboration de Cantat avec 16 Horsepower pour la reprise de Fire Spirit du Gun Club, A l'arrière des Taxis découvert sur le tard et, en apothéose... un grand album : Des Visages, des Figures. Mais bien sûr, ce sont les écorchés qui restent le moment le plus fort de mes "rencontres" avec Noir Désir.

 

"Nous les Ecorchés vifs".... voilà un morceau qui pouvait parler à ceux dont la révolte était profonde, viscérale... et pour les ados lambdas dont la révolte se limitait à "franchement, les politiques sont pourris, y a trop d'injustices, la guerre et le racisme, c'est nul", il y avait ça, c'est vraiment toi et je rêvais d'un autre monde où la terre serait ronde... des insupportables Téléphone. Ceci-dit... s'il y a bien un truc que je reproche à Cantat... ce sont ses diatribles anti-FN un peu trop systématiques. De la part d'un type comme lui, on aurait attendu mieux, plus de hauteur et de subversion... parce que taper sur le FN, rien de plus facile, consensuel et démago en France. Même Bruel et Zazie le faisaient, c'est dire... Penser que le pire, chez Bertrand Cantat, ce n'est pas la fameuse "baffe tragique", mais ses attaques contre le FN, c'est spécial, j'en conviens. Mais un fait divers, aussi dramatique soit-il, reste un fait divers... je ne comprends pas comment certains ont pu rejeter Noir Désir après l'affaire Trintignant. Fallait ne pas vraiment aimer leur musique, juste voir Cantat comme une icone, un saint... ce qu'il n'était bien entendu pas. Un groupe ne s'appartient pas totalement, une oeuvre, ce n'est pas juste de la création, mais aussi de la "réception". Peu importe que McLaren ait été un manipulateur vénal, ce qui compte, c'est tout ce que les Sex Pistols ont pu représenter pour la jeunesse de l'époque. Si Cantat avait eu la bonne idée, comme Jim Morrison, Brian Jones ou Hendrix (qui pouvaient se montrer eux aussi violents avec les femmes) de se tuer avant de tuer, il serait devenu un mythe du rock devant lequel se prosterneraient les mêmes qui le voient actuellement comme le pire des sales types. Tout ça ne tient finalement pas à grand chose... mais ce qui reste, et qu'on ne pourra jamais enlever à Noir Désir, c'est qu'ils sont un groupe essentiel, fondamental dans le rock français, le groupe qui a su faire mentir la fameuse phrase de Lennon : "le rock français, c'est comme le vin anglais..."

 

Ils sont de retour avec deux titres, avouons-le, pas terribles... souhaitons-leur de retrouver l'inspiration et de sortir un digne successeur à Des Visages, des Figures... En attendant, une petite playlist avec, en tête, ces Ecorchés... rien que pour ce titre et ce qu'il a représenté pour moi à l'époque, Cantat aura toujours ma sympathie (c'est pas grand chose, mais c'est déjà ça)...

 

 

 

 

 

 

 

L'article de Yosemite sur Noir Désir

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