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23 mars 2012 5 23 /03 /mars /2012 01:53

Il a fallu que je me pince pour être sûr d’être bien réveillé lorsque j’ai entendu la déclaration de Sarkozy dans les heures qui ont suivi le dénouement de la confrontation entre Mohammed Merah et les forces de l’ordre :

"Toute personne qui consultera de manière habituelle des sites internet qui font l'apologie du terrorisme ou qui appellent à la haine ou à la violence sera punie pénalement"

Un « délit de lecture », donc. Sarkozy ne cesse de me consterner chaque fois qu’il est question du net…

Que n’importe qui, suite à l’émotion suscitée par ces meurtres abjects, en vienne à demander plus de répression, je le comprends… mais l’idée de sanctionner pénalement les visiteurs de ces sites est ridicule. Pour le saisir, il suffit juste de… pousser un minimum la réflexion. Faire passer la raison avant l’émotion, ce qui me semble être la moindre des choses lorsqu’on a un poste à responsabilité… et plus encore quand on est au sommet de l’Etat.

1.      Comment les individus sauront-ils quels sites ils ont le droit ou pas de consulter ?

On ne va tout de même pas condamner pénalement des individus sans leur dire au préalable quels sont les sites interdits. Que faut-il faire ? Rendre publique, sur le site du gouvernement, une liste noire de sites dont la lecture constitue un délit ? Une aubaine pour les intégristes fanatiques et apprentis terroristes, plus besoin de chercher, le gouvernement mettra à leur disposition la liste des pires sites terroristes ! (Ce dont parlait d’ailleurs Benjamin Bayart…)

L’Etat français pourrait aussi demander aux fanatiques qui détiennent ces sites à l’étranger de bien vouloir placer une mise en garde sur leur bannière, genre « Attention, toute consultation de ce site par un français est punie par la loi ». Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai comme l’impression que les terroristes refuseront de le faire…

Il ne reste donc que la solution d’une « liste cachée ». Personne ne saura vraiment, lorsqu’il consulte un site « tendancieux », si ce qu’il fait peut entraîner des sanctions pénales.

2.      Quels sites seront visés ?

Les sites qui font l’apologie du terrorisme… soit, mais où placer le curseur ? Imaginons que vous êtes un défenseur de la cause palestinienne. Ce qui, me semble-t-il, n’est pas un crime. Vous fréquentez régulièrement des sites pro-palestiniens. Dont certains qui ne condamnent pas les actes terroristes contre Israël, voire les justifient. Mais à partir de quand un site sera considérée comme faisant « l’apologie de la violence » ou véhiculant « des appels à la haine ou à la violence » ?

Un site musulman plus ou moins intégriste qui ne ferait pas franchement l’apologie du terrorisme, mais qui, plus subtilement, laisse entendre qu’il comprend voire soutient les djihadistes rentre-t-il dans ces catégories ? Les sites d’extrême-gauche ou d’extrême-droite particulièrement radicaux rentreront-ils dans ces catégories ? Un blog consacré au mouvement anarchiste qui diffuserait, sans censure aucune, des textes violents d’anarchistes de renom pour bien comprendre l’histoire du mouvement rentre-t-il dans cette catégorie ? S’il m’arrive de lire régulièrement les articles d’un site particulièrement virulent contre le pouvoir en place, parfois même borderline et que l’on pourrait définir comme « véhiculant des appels à la haine », est-ce que je vais devoir répondre de mes lectures subversives au tribunal ?

3.      De manière « habituelle »

Quelle sera la fréquence pour que l’on considère que le site est visité de manière habituelle ? Une fois par jour, une fois par semaine, une fois par mois ? Il faudra bien le délimiter. Mais une fois délimité, les apprentis terroristes pourront très bien s’arranger pour éviter les condamnations, en utilisant de temps en temps différents accès internet pour enregistrer les pages hors-connexions de ces sites. Avant les attentats du 11 septembre et avant que le net ne se démocratise vraiment, des VHS d’islamistes intégristes se passaient déjà sous le manteau dans les banlieues… ce n’est sûrement pas en pénalisant la fréquentation de sites intégristes qu’en empêchera les endoctrineurs de recruter.  

Un militant de la cause palestinienne, sans cautionner lui-même le terrorisme, peut, en cliquant sur les liens de différents sites pro-palestiniens, se retrouver régulièrement sur des sites islamistes légitimant le terrorisme… une raison suffisante pour l’envoyer devant les tribunaux ?  

Des journalistes, enseignants, écrivains, étudiants qui s’intéressent à ces sujets doivent-ils s’attendre à voir les flics débarquer chez eux et subir les sanctions de cette loi ?

Sans travailler sur ces sujets, il m’est arrivé plus d’une fois de lire des sites virulents d’extrême-gauche, d’extrême-droite, islamistes, anarchistes etc. Non pas par adhésion à ces idéologies, mais par une curiosité qui me semble parfaitement normale : chercher à comprendre des prises de positions radicales et vouloir entendre des paroles que l’on n’entend pas dans les médias traditionnels. Non seulement je ne trouve pas que la consultation de ces sites soit condamnable, mais je la trouve même « enrichissante ». On en apprend plus sur les extrémistes et leurs logiques en les écoutant « à la source » qu’en se basant sur un reportage télé…

Il existe déjà des lois qui permettent de bloquer des sites, condamner, censurer des propos extrêmes… lois que je n’approuve pas lorsqu’elles touchent à la liberté d’expression. Car, contrairement à certains défenseurs auto-proclamés de la liberté d’expression qui, en fait, ne la tolèrent plus dès qu’il s’agit d’expression d’opinions à l’opposé des leurs, je suis pour que toutes les opinions puissent s’exprimer. Même racistes, homophobes, antisémites, sexistes, révisionnistes… la seule limite, de mon point de vue, est le cas d’appel au meurtre, à la violence, ou la délation et diffusion publique de ce qui tient du privé.

Concrètement, si un type déteste les roux, et le dit sans prendre de gants sur son site http://www.enfoiresderoux.com, je ne vois pas matière à le censurer, aussi débile et malsaine que l’on puisse trouver sa haine des roux. En revanche, s’il écrit très sérieusement « faut débarrasser la planète de cette engeance que sont les roux, tuez tous ces putains d’enfoirés de rouquins ! » Là, ok, on ne peut pas laisser passer.

Que l’on puisse condamner des gens qui consultent régulièrement des sites pédopornographiques (à moins qu’il s’agisse bien entendu de gens qui travaillent à lutter contre), aucun problème. Mais ce qui est vraiment choquant dans ce que propose Sarkozy, c’est de créer ce « délit de lecture ». On se doute bien qu’un type qui consulte régulièrement des vidéos pédopornographiques ne le fait pas pour « s’informer » sur ce crime… mais comment savoir quelles sont les intentions réelles de celui qui lit des articles de sites qui prônent des idéologies radicales ?

On me rétorquera que tout ceci n’est pas bien grave, au fond, c’est inapplicable, un simple effet d’annonce… je ne le vois pas de cette manière. C’est encore une fois révélateur de la vision que le pouvoir en place a de l’internet et des libertés individuelles. Non pas que je considère la lecture de sites terroristes comme une liberté fondamentale, mais de ne pas craindre de me retrouver sanctionné pénalement pour avoir simplement cherché à la source des informations sur tel type de mouvement ou logique radicales, si.

 

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6 mars 2012 2 06 /03 /mars /2012 18:32

Les genres musicaux ont-ils chacun une façon particulière d’évoluer, ou suivent-ils de même type de progression ? Grande question, qui mérite bien plusieurs articles… Commençons par nous intéresser au jazz et au classique, car j’ai toujours été frappé par les points de rencontre qui existent dans leurs évolutions (et qui sont, me semblent-ils, trop rarement discutés ou mis en évidence).

 

Pour entendre rapidement ces évolutions, écoutez les deux petites playlists :

 

-          Classique

-          Jazz

 

Baroque / New Orleans   

 

Quatre éléments importants se retrouvent dans l’esthétique baroque comme dans le style New Orleans :

 

-         Le plus marquant, à mon sens, c’est le goût pour l’ornementation… caractéristique fondamentale de toute l’esthétique baroque, et très utilisée dans le jazz New Orleans (et d’une certaine manière, dans tout le jazz qui suivra). En musique, l’ornementation, c’est le fait de rajouter de petites notes autour des notes principales de la mélodie.

-         Contrepoint (jouer plusieurs lignes mélodiques en même temps). Elément essentiel de la musique baroque… et du jazz New Orleans. Sûr que le contrepoint du New Orleans est plus rudimentaire que celui de Bach, mais ça n’en reste pas moins du contrepoint. Une trompette, par exemple, qui joue la mélodie principale, et une clarinette qui brode au-dessus…  

-         Petites formations. Les grands orchestres, c’est pour la période suivante. Baroque et New Orleans préfèrent les petits ensembles où l’on peut entendre chacun des instruments.

-         Improvisation. La musique baroque n’est pas une musique « improvisée », mais elle a une petite part d’improvisation, notamment lors des cadences. Et si elle est écrite, telle ligne mélodique ne doit pas être obligatoirement jouée par l’instrument précisé sur la partition, comme cela sera le cas par la suite.

 

Bien entendu, il ne s’agit pas ici de dire que baroque et New Orleans sont « équivalents ». Bach est déjà un sommet de l’histoire de la musique alors que le New Orleans (et le style Chicago) n’est que le tout début du jazz. L’important, c’est que l’évolution qui va suivre peut s’observer en parallèle.

 

Style Classique / Swing

 

-       Grands orchestres. Développement de la symphonie / Big band jazz.

-        Harmonie et clarté. Une musique plus « écrite », plus précise. Ce qui est logique pour de plus grandsensembles : plus il y a de musiciens, plus la part de liberté de chacun est réduite. La musique se doit d’être plus « carrée ».

-         Universalité. Musique qui s’adresse à tous les publics, et qui deviendra plus « normée » pour que chacun s’y retrouve. Formes typiques (genre forme-sonate à la période classique) / standards du jazz.

-         Plus de variations au sein d’une même pièce, architecture plus élaborée.
 

Romantisme / be-bop

 

-        Expression individuelle, liberté et révolte. Le style précédent privilégiait l’universalité, la clarté et l’équilibre, romantisme et be-bop vont mettre en valeur l’expression individuelle, quitte à déranger et aller en partie à l’encontre des attentes du public et de la société. Cri de révolte, quête de l’originalité et de la singularité, virtuosité, intensité. Dans le be-bop, cela se traduit par de petites formations où chaque instrumentiste a la possibilité de s’exprimer dans de longs solos. Ce qui compte n’est pas le « joli thème », souvent vite expédié en début de morceau, mais les solos très expressifs de chacun.

-        Conséquence  : Emancipation de la dissonance.

 

L’artiste romantique, démiurge, isolé, prométhéen, en lutte contre une société trop rigide, et le jazzman de l’ère be-bop, qui, plutôt que de servir de faire-valoir aux blancs venus danser sur du swing dans de grandes salles de bals, préfère s’exprimer de manière bien plus libre dans de petits clubs où l’on vient vraiment l’entendre s’exprimer.

 

Impressionnisme / Cool Jazz & Jazz modal

 

-          Apaisement. A l’expression intense du romantisme ou du be-bop on oppose des atmosphères plus contemplatives.

-          Clair – obscur, légère mélancolie, sensualité.

-          Recherche d’ambiances

-          Utilisation des modes (anciens ou exotiques), les modes étant des suites de notes différentes de la gamme tonale habituelle depuis la période classique.   

 

Néoclassicisme / Hard-Bop

 

-         En réaction au côté trop « vaporeux » de l’esthétique précédente, retour à une musique plus « terrienne », rythmée, physique… qui s’approprie des éléments d’esthétiques plus anciennes. Dans le cas du néo-classicisme, on trouve aussi (voire surtout) une réaction au romantisme et à l’atonalité naissante.

 

Atonalité / Free Jazz

 

-          La musique se libère des règles tonales ou modales.

-          Musique difficile d’accès, très dissonante. Le public ne suit pas.

-          Expérimentation

 

Postmodernité

 

               Après les expériences atonales, sérielles / free-jazz, un certain désir de renouer avec le public, notamment, fait que l’on revient à des règles tonales ou modales, à des musiques un peu plus faciles d’accès. Mais il n’y a plus une esthétique forte qui domine les autres et derrière laquelle se regroupent les musiciens, chacun fait sa petite cuisine, mélangeant des éléments d’époques diverses…

 

 

Classiques et jazz n’ont pas évolué non plus d’une manière aussi claire et bien découpée que je le présente ici. Il y aurait pas mal de choses à nuancer, mais, dans les grandes lignes – et c’est ce qui m’intéresse ici – cette présentation reste assez fidèle à l’évolution de ces genres.

 

Les jazzmen ont-ils copié leur évolution sur celle des musiciens classiques ? Non, évidemment, l’évolution d’un genre musical ne se décide pas comme ça… en revanche, certains se sont inspirés de la musique classique pour faire évoluer le jazz, ils y ont trouvé des idées pour enrichir et faire progresser leur propre langage musical. Mais le jazz n’a rien d’un copié-collé du classique, il a son propre langage, son identité, il répond à d’autres attentes, d’autres publics, d’autres temps historiques. Il est donc particulièrement intéressant d’observer que malgré cela, leur évolution suit un mouvement très similaire. Que nous dit ce mouvement ?

 

1.      (Baroque / New Orleans) On construit en cherchant (ornementation, tourner autour des notes principales comme si on les cherchait), et au sein d’un petit comité où chacun peut se faire entendre, des paroles différentes s’entremêlent (contrepoint) en essayant de s’harmoniser.

2.      (Classique / Swing) Société bien plus organisée, codifiée, où tout le monde doit être « en harmonie ». Le collectif prime sur l’individu.

3.      (Romantisme / Be-bop) L’individu ne veut plus être « noyé dans la masse » ni « au service de la société », mais exprimer librement sa singularité, ses frustrations, sa révolte.

4.      (Impressionnisme / Cool Jazz & Jazz modal) Evasion, dans le rêve, la sensualité, la délicatesse et la contemplation. On renonce à la « force expressive » du romantisme ou du be-bop pour s’évader dans un monde plus apaisé.

5.      (Néoclassicisme / Hard-bop) Retour à plus de simplicité, des plaisirs plus physiques et moins abstraits.

6.      (Atonalité / Free Jazz) Incommunicabilité, partir à l’aventure dans des territoires inexplorés au risque d’être totalement incompris et d’aller à l’encontre de ce qu’attend la société. Radicalité.

7.      (Postmodernité) Recyclage, mélange des genres, on tente de retrouver des références communes, un langage / projet qui puisse être entendu et apprécié, mais chacun le fait à sa manière, il n’y a plus de grande ligne directrice, de valeur qui s’impose à tous. Un nouveau monde « éclaté » et communautaire…

 

La musique a peut-être son propre langage, ses propres lois, elle reste une activité humaine. On ne s’étonnera donc pas qu’elle évolue… comme peuvent évoluer des sociétés. Non pas forcément en se calquant sur l’évolution de l’environnement dans lequel elle s’inscrit à un moment T (même si cela peut arriver, le style classique est, par exemple, en parfaite adéquation avec la philosophie des Lumières), mais en suivant un type d’évolution qui nous est propre. La musique est une activité humaine, et plus encore une activité sociale. Ce dont elle nous parle, au plus profond, ce n’est pas tant des sentiments les plus personnels d’un individu qui s’exprime par ce biais (même si lui le croit dur comme fer), que du « vivre ensemble », du rapport (ou des possibilités de rapport) de chacun aux autres et à la société en générale. La musique, c’est avant tout de la communication. Et l’évolution du classique et du jazz nous parlent de « comment communiquer » et comment trouver sa place au sein d’une société.

 

1.      On se découvre, on parle ensemble en essayant de s’entendre…

2.      Les règles ont été fixées, tout le monde est en « harmonie » et suit le même but.

3.      Noyé dans la masse, on veut faire entendre notre singularité, s’exprimer librement.

4.      Satisfait (ou pas) par l’expression de sentiments personnels, on s’évade dans une forme de contemplation et de volupté…

5.      Besoin de retrouver un contact plus direct avec les autres.

6.      Echec ou nouvelle insatisfaction, on se réinvente en-dehors des règles traditionnelles, quitte à ce que plus personne ne nous comprenne.

7.      Désir de renouer avec les autres, mais d’une manière beaucoup plus modeste et communautaire.

 

Si l’on change à chaque fois de paradigme, ce n’est pas par simple volonté d’aller voir ailleurs, mais aussi parce qu’aucune des voies précédentes n’était pleinement satisfaisante. On bute à chaque fois sur un problème de communication. Une fois résolu, on en découvre un nouveau. Tout cela pour arriver à un constat assez pessimiste : la communication « parfaite » (ou l’intégration parfaite d’un individu dans nos grandes sociétés) est impossible, d’où le sérialisme et le free jazz, puis la postmodernité qui entérine le fait qu’on ne peut tous se retrouver sur un terrain idéal, et qu’il ne reste plus qu’à fonctionner en « communautés », renonçant ainsi à LA communauté. D’une certaine manière, la musique, par son évolution, nous laisse entendre que l’idéal républicain est impossible à long terme hors de petites communautés…

 

Tous les genres musicaux n’évoluent bien sûr pas de la même manière, même si l’on peut retrouver quelques mouvements similaires, on s’intéressera prochainement à l’évolution des musiques populaires modernes.

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4 mars 2012 7 04 /03 /mars /2012 22:51

Même principe que pour la playlist classique précédente : 7 titres, de moins de 5 minutes chacun, qui permettent de saisir l'évolution du jazz à travers ses grandes périodes.

 

 

 

 

New Orleans (et style Chicago) (années 1910 et années 20) ex : Louis Armstrong - Sunset Café Stomp 

 

Swing (années 30) ex : Duke Ellington - Take the "A" Train

 

Be-bop (années 40) ex : Charlie Parker - Ko-Ko

 

Cool Jazz (années 50) ex : Miles Davis - Moon Dreams

 

Hard-bop (années 50-60) ex : Horace Silver - Blowin' the Blues Away

 

Free Jazz (années 60-70) ex : Sun Ra - Heliocentric

 

Postmodernisme (à partir des années 70) ex : Jan Garbarek, Charlie Haden, Egberto Gismonti - Bodas de Prata

 

 

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